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LibanPost réagit: Témoignage de la responsable postale

Larticle qui suit constitue le premier épisode dune série de reportages dans lesquels lUnion postale universelle se penche sur la manière dont LibanPost, lopérateur désigné du Liban, a réagi à lexplosion meurtrière du 4 août, qui a fait plus de 200 victimes et privé de foyer environ 300 000 personnes à Beyrouth.

Chaque histoire personnelle présente cette terrible explosion sous un angle différent: victime et respon­sable postale, consommateur ou encore Président-Directeur général. Ces articles illustrent parfaitement la manière dont les opérateurs désignés poursuivent leur travail en temps de crise et en pleine tragédie.

Responsable du bureau de LibanPost situé dans le quartier Gemmayzé de Beyrouth, Leina Zeidan a été sauvée par son fils. Elle a frôlé la mort à la suite des explosions qui ont détruit la capitale libanaise le 4 août dernier.
 
Habitant à moins de 300 mètres du lieu de la déflagration, Leina regardait lincendie du port avec Ryan, son fils de quatre ans, depuis son balcon situé au 11e étage. Kamal, le mari de Leina, était à son bureau près du port.
 
«Jai soudainement vu quelque chose sélever dans lair. Le niveau de la mer est monté et quelque chose a explosé. Ryan sest envolé. Il s’est envolé, puis il est tombé», a déclaré Leina. «Les balcons ont tous commencé à s’effondrer en dessous de nous. Je pouvais entendre tous les balcons s’écrouler en dessous.»
 
Le bruit des balcons de son immeuble en train de sécrouler sous ses pieds a été le dernier souvenir de Leina avant quelle ne perde connaissance.
 
Quelques instants plus tard, Ryan réveillait sa mère, qui saignait abondamment, en la suppliant daller voir si son père était encore en vie.
 
«Jai noué un morceau de tissu pour relier Ryan à moi par le poignet. Je l’ai attaché parce que jai pensé que, si je mourais, il serait avec moi le temps que des sauveteurs viennent laider. Et, si je ne mourais pas, cela me permettait de ne pas le perdre.»
 
Leina a décrit son trajet à pied de dix minutes allant de son domicile au bureau de son mari. Tout juste consciente, alors que son sang coulait sur le sol, elle a été entraînée par son fils à travers les décombres et parmi les cadavres et les blessés. En arrivant au bureau, Leina a découvert par bonheur que son mari Kamal était vivant.
 
Trois hôpitaux ont refusé dadmettre Leina: ils étaient débordés et ses blessures étaient trop graves pour quelle puisse être soignée rapidement et facilement.
 
Attaché à sa mère mourante et étendue sur le côté de la route, Ryan a crié pour quon vienne les aider. Un étranger qui passait par là en voiture a fini par les emmener tous les trois au troisième hôpital. Leina, Kamal et leur fils s’étaient rendus à pied aux deux premiers hôpitaux.
 
«Il ny a plus rien à faire pour elle. Elle a perdu beaucoup trop de sang et nous navons aucun lit durgence disponible. Nous soignons uniquement les gens dont les blessures sont moins graves», ont expliqué les médecins du troisième hôpital à Kamal.
 
«Ils mont mise sur une civière et mont recouverte. Ils ont pensé qu’il fallait me couvrir parce que j’allais… Mon pauvre fils était toujours attaché à mon poignet jusquà ce que ma famille arrive.»
 
La famille de Leina est alors arrivée et a pu lamener à un quatrième hôpital dans lequel elle a été opérée et a reçu des transfusions sanguines.
 
«Mon fils ma sauvé la vie et il a… tellement peur maintenant», a expliqué Leina à loccasion dun entretien six semaines après lexplosion.
 
«Si je m’éloigne un tant soit peu de lui, il me demande immédiatement: ‹Maman, est-ce que tu vas mourir?»

Le bureau de LibanPost dirigé par Leina a été parmi les plus lourdement touchés. Leina a confié quelle ne par­venait pas à retourner dans les locaux pour constater les dégâts.
 
Travaillant actuellement au siège de LibanPost pendant la rénovation du bureau du quartier Gemmayzé, Leina se remet doucement au travail.
 
«Heureusement que jai du travail», a-t-elle répété à maintes reprises.
 
Elle a expliqué que le fait de pouvoir se concentrer sur son travail est la seule chose qui lempêche de repenser aux scènes atroces qui ont eu lieu à Beyrouth le jour de lexplosion.
 
«Jai été amnésique pendant les trois ou quatre jours qui ont suivi la déflagration. Mais une fois de retour au travail, tous les souvenirs sont automatiquement revenus quand jai posé mes mains sur lordinateur», a-t-elle déclaré.


Tant que le bureau de Gemmayzé nest pas opérationnel, Leina vient en aide à une autre équipe. Celle-ci possède déjà une équipe d’encadrement, mais Leina saute sur l’occasion de les remplacer dès qu’ils s’absentent et déclare avoir hâte de revenir au travail.
 
«Pour moi, cette situation nest évidemment pas facile. Jai perdu un bureau que jaimais, dans lequel je travaillais et que je dirigeais depuis dix ans. Cependant, je ne peux pas mempêcher de remercier le ciel de ne pas avoir été là-bas à ce moment-là et davoir encore un travail.»
 
Par Abbie Cheeseman, journaliste indépendante, Beyrouth (Liban)