L’analyse des flux mondiaux d’envois postaux dans un réseau physique international peut apporter de précieuses indications pour l’évaluation du développement national à l’aide des données de masse, ou big data, et combler les vides laissés par l’absence de données de réseaux numériques, comme le montre une nouvelle étude menée par l’Union postale universelle, l’initiative Global Pulse des Nations Unies et l’Université de Cambridge.
Les big data postales – sous la forme de milliards d’enregistrements électroniques produits par le mouvement physique des envois postaux d’un pays à un autre – peuvent jeter un éclairage important sur le bien-être socioéconomique des pays, en particulier de ceux pour lesquels il n’existe pas de données émanant de réseaux numériques.
A partir de 14 millions d’enregistrements postaux de 187 pays, les chercheurs ont pu démontrer que ce réseau de connexions pouvait fournir des indicateurs étroitement corrélés aux indicateurs standard de statut socioéconomique d’un pays.
L’étude a profité d’un accès sans précédent aux données de suivi de l’UPU sur les flux postaux, une riche source d’observations de l’activité humaine avec une pénétration extraordinaire de l’univers physique. Les observations elles-mêmes sont générées chaque fois qu’une expédition postale a lieu entre deux pays.
Quatre années (2010–2014) de données postales quotidiennes de 187 pays ont été ainsi analysées et il a été montré que leurs propriétés réticulaires permettaient de reproduire les valeurs de grands indicateurs socioéconomiques. Les données ont révélé que l’activité postale est en hausse depuis 2010, ce qui est en grande partie expliqué par la croissance parallèle du commerce électronique mondial. Ce fait positionne à son tour les flux postaux comme un indicateur durable de l’activité socioéconomique.
Le travail des chercheurs a permis de générer des mesures indirectes pour un certain nombre d’indicateurs socioéconomiques déjà utilisés par les Nations Unies et d’autres organisations internationales pour évaluer le bien-être national, notamment le produit intérieur brut (PIB) par habitant et l’indicateur de développement humain. L’étude a trouvé une forte corrélation entre les indicateurs d’espérance de vie, ou le PIB par habitant, et le degré de connectivité postale d’un pays.
Objectifs de développement durable
L’utilisation des big data pour le développement constitue un domaine de recherche naissant qui pourrait aider les pays à évaluer et à suivre leurs progrès vers la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies. Toutefois, les big data peuvent aussi avoir une couverture limitée, notamment dans les pays où la pénétration numérique et l’utilisation des média sociaux sont faibles. C’est là que les données de l’UPU issues du réseau postal physique mondial peuvent faire toute la différence.
Bishar A. Hussein, Directeur général du Bureau international de l’UPU, a salué les résultats de l’étude. «Cette étude sans précédent des traces informationnelles uniques laissées par le réseau postal mondial à l’ère du commerce électronique indique aux Pays-membres de l’UPU un moyen d’apporter une contribution essentielle pour aider le monde à atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies», a-t-il déclaré.
«Il est paradoxal que, à l’ère numérique, l’analyse et le suivi plus fréquents et plus granulaires des objectifs de développement durable puisse se faire grâce aux données des réseaux postaux physiques», a déclaré José Anson, économiste à l’UPU. «Le réseau postal est le plus grand réseau physique du monde, et ses données sont une source au potentiel encore inexploité, qui, une fois exploité, apportera un éclairage important sur l’état des nations.»
Pour sa part, Miguel Luengo-Oroz, responsable scientifique à l’initiative Global Pulse des Nations Unies, a déclaré: «Les réseaux physiques, comme le réseau postal mondial, le réseau aérien ou les réseaux des migrants, sont des variables indispensables pour arriver à reproduire des indicateurs socioéconomiques de manière solide en combinant leurs données avec celles des nouveaux réseaux numériques, comme le trafic sur Internet et l’utilisation des médias sociaux.
«Ce travail montre comment les propriétés réticulaires des réseaux de flux postaux peuvent reproduire les grands indicateurs socioéconomiques et comment des communautés de réseaux unissant à la fois des réseaux de flux physiques et numériques peuvent mettre au jour des similarités socioéconomiques et indiquer d’éventuelles dépendances au sein de groupes de pays», a expliqué Desi Hristova, chercheuse à l’Université de Cambridge.
«The International Postal Network and Other Global Flows As Proxies for National Wellbeing»
Résumé de l’initiative Global Pulse des Nations UniesVisualisation des flux postaux grâce aux données de masse de l’UPU