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Histoire complexe, futur incertain – Comment la normalisation a redéfini l’enveloppe dans les années 60


La crise économique de 2008, puis le confinement sans précédent de 2020, ajoutés à l’adoption généralisée d’Internet, ont accéléré le déclin constant de l’envoi de lettres, une tradition autrefois prédominante. Ce mouvement entraîne la disparition progressive de l’enveloppe, ce modeste support auquel l’UPU a consacré un programme de normalisation lancé il y a plus d’un demi-siècle et qu’il est intéressant d’examiner de plus près.


Avènement de la normalisation – Révolution pour le courrier

Au début des années 60, les volumes de courrier ont explosé alors que les sociétés devenaient de plus en plus interconnectées. Cependant, face à cette hausse de la correspondance, l’absence d’uniformité des enveloppes en termes de taille et de format posait problème aussi bien aux employés postaux qu’aux destinataires. Née au début du XIXe siècle en Angleterre, l’enveloppe constituait alors un moyen facile, mais efficace, d’enfermer et de protéger la correspondance écrite, tout simplement en pliant la lettre en deux pour ensuite la glisser facilement dans un sachet de papier aisément refermable. Dès 1929, la revue Union Postale de l’UPU a appuyé et ouvert la voie à la diffusion mondiale d’enveloppes normalisées.


Du chaos à la cohérence – Initiative de l’UPU pour adopter un tournant technologique

Malgré son succès initial, l’enveloppe a fait face à des défis importants dans les décennies qui ont suivi. Elle souffrait encore d’une trop grande hétérogénéité en termes de taille et de format pour s’insérer efficacement dans les systèmes de traitement du courrier de plus en plus mécanisés de la moitié du XXe siècle. Alors que les volumes de courrier ont crû de 8 à 12% par an dans les pays occidentaux, le besoin d’enveloppes normalisées et capables de voyager sur le réseau postal de façon fluide s’est fait de plus en plus pressant.

Le Congrès d’Ottawa 1957, au cours duquel l’UPU a créé la Commission consultative des études postales (CCEP), est au cœur de cet effort. La CCEP devient alors la force motrice pour la normalisation des enveloppes, en collaboration étroite avec des partenaires internationaux tels que l’Organisation internationale de normalisation (ISO) en vue d’élaborer des lignes directrices cohésives et de créer un Comité de contact «ISO–UPU».

Au Congrès de Vienne 1964, des propositions concrètes ont été soumises pour établir des formats d’enveloppe acceptables. Les spécifications de largeur (de 90 à 120 mm) et de longueur (de 150 à 230 mm) ont posé les bases d’un système postal plus unifié et efficace. Les enveloppes de format carré, incompatibles avec un traitement mécanisé, ont été proscrites. 

Mais les efforts de normalisation ne se sont pas arrêtés là. Le Congrès de Tokyo 1969 a franchi un palier déterminant avec l’adoption de principes normalisés pour une mise en œuvre d’ici à octobre 1973, sous la supervision d’un nouveau groupe de travail de la CCEP dédié à la mécanisation et à l’automatisation du tri des lettres.

Cette décision a constitué une étape majeure dans l’évolution de l’enveloppe et consolidé le rôle de l’UPU comme facilitatrice universelle de la communication et de la coopération sur un grand nombre de sujets, notamment la normalisation des codes alphabétiques et numériques des noms de pays. L’UPU a également été sollicitée pour collaborer avec d’autres organisations internationales, comme la Chambre de commerce internationale et la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), au sujet de l’incidence des normes du courrier sur les échanges mondiaux. 


Défis et opportunités à l’ère du numérique

Au-delà de ses implications pratiques, la normalisation de l’enveloppe était également chargée de symbolisme. Elle matérialisait les aspirations collectives des pays industrialisés pour parvenir à un monde plus interconnecté, où la communication ne connaîtrait aucune limite. Pour Armand Mattelart, chercheur et sociologue spécialisé dans la communication, l’enveloppe représente une «diplomatie du papier» dans laquelle la communication mondiale est facilitée non seulement par les télécommunications, mais aussi par des supports traditionnels comme le papier.

Le parcours transformateur de l’enveloppe, passée d’un modeste moyen pour protéger la correspondance écrite à un canal de communication normalisé à l’échelle mondiale, nous rappelle le pouvoir persistant de l’innovation pour modeler nos façons d’interagir avec les autres, aussi bien aujourd’hui qu’à l’avenir. L’usage prédominant et répandu sur le long terme de la technologie a fini par mener à l’attrition actuelle des lettres et, par conséquent, à un avenir incertain pour l’enveloppe. 




Sébastien Richez, Docteur en histoire
Comité pour l’histoire de la poste (CHP), Groupe La Poste (France)

Sébastien Richez est historien auprès du CHP depuis 2004. Au fil d’une approche culturelle et sociétale, il mène ses recherches sur les thèmes les plus emblématiques liés à la poste et à ses activités. Il est l’un des principaux membres de la commission scientifique d’organisation du colloque d’histoire de l’UPU. 


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